Éditorial

Monsieur Macron, et la dette haïtienne ?

A509 | Ce 17 avril marque le bicentenaire de l’indemnité exigée par Charles X à Haïti, pour rançon de son indépendance. L’île caribéenne ne s’en est jamais remise.

Haïti, la double dette, et après ? » La question est ainsi posée pour lancer l’événement de commémoration du bicentenaire de l’indemnité versée par Haïti à la France, et de la dette contractée pour ce faire. Ce jeudi à partir de 17 heures (accès libre sur inscription), la manifestation s’ouvrira dans le décor des Archives nationales de Pierrefitte d’où sortira, pour cette occasion historique, le document original de l’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825. Mais aussi, avec le concours des archives diplomatiques, le Traité de paix et d’amitié entre la France et Haïti signé à Port-au-Prince, le 12 février 1838.

L’occasion est donnée à la France de faire le point sur ces deux sujets brûlants… Parmi les intervenants du jour, nous avons interrogé un spécialiste de la question, le géographe Jean-Marie Théodat. Le directeur du Département de géographie de l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et membre du comité scientifique de la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage, majoritairement impliquée dans cette manifestation, et qui en programme plusieurs autres, rappelle qu’il s’agit en effet de marquer à la fois le bicentenaire de la rançon de l’indépendance, que les Haïtiens ont dû payer pour accéder à la reconnaissance officielle de leur pays, mais également le bicentenaire des relations franco-haïtiennes, dont témoigne le Traité. Et cela alors que, sous différentes formes, la France se penche sur son passé d’empire, restitue des œuvres (Bénin…), crée des commissions mémorielles (Cameroun…). L’attente est forte d’un signe d’Emmanuel Macron vers l’île de Toussaint Louverture, qui se meurt sous les balles des gangs, et que le président avait assuré de son soutien lors de la visite officielle du représentant du Comité de transition alors à la tête du pays, au début de l’année, Leslie Voltaire.

« On comprend qu’avec ses propres problèmes de déficit, la France ne mette pas Haïti au centre de ses préoccupations, mais il se trouve qu’en Haïti, des intérêts vitaux sont en jeu. Que la France participe à la formation de la police nationale haïtienne et apporte une forme d’aide matérielle sur place va dans le bon sens. Sauf qu’il n’y a pas de résultats. Or, si la France nous aide à sortir de cette situation d’urgence d’État, cela ne fera certes pas oublier l’ardoise de la rançon, mais cela en allégera le fardeau dans les consciences. »

« Haïti a cessé de faire partie de l’impensé de l’histoire de la France »
Il est, certes, optimiste de croire que tous les Français savent comment leur État a cyniquement joué avec les anciens esclaves, qui, vainqueurs, c’est un comble, durent payer leurs anciens maîtres, privés des revenus que l’esclavage leur assurait sur l’île ! Mais il est vrai (et notre série sur le sujet l’an dernier le prouve aussi) que le voile peu à peu est levé sur cette histoire commune.

« On ne peut plus nier le mécanisme qui a conduit à l’appauvrissement d’Haïti. Ce qui autrefois n’était connu que du milieu du savoir académique est devenu une préoccupation vernaculaire qui circule sur les réseaux sociaux, fait l’objet d’émissions, etc. Haïti a cessé de faire partie de l’impensé de l’histoire de la France, le refoulé revenu au galop. »

Oui, mais que faire ? Qu’attendre de la France ? La note de la FME donne bien des orientations, mais concrètement ? « De ne plus regarder ce passé comme révolu », répond Théodat. « Et que la France se demande ce qu’il faudrait mettre en place pour sauver Haïti, pour remettre ce pays sur les rails. » L’Élysée prendra-t-il la parole pour répondre présent au rendez-vous de nos histoires entremêlées ? À suivre…

Source : Le Point

Illustration : ©️- L’œuvre de l’artiste Pascale Monnin. © Armelle Chatelier

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